Le swing pricing dans l’évaluation des fonds. Un bouclier moderne contre la dilution.
La question de savoir comment protéger les investisseurs de la dilution de leurs rendements infligée par les coûts de transaction liés aux capitaux entrants et sortants a toujours fait partie des préoccupations du secteur des fonds de placement. Comment le swing pricing offre une protection sur les marchés volatils.
Toute part unitaire de fonds est traditionnellement négociée avec un spread entre les cours vendeur et acheteur. L’une des normes de marché communément adoptée consiste à fixer des spreads d’émission et de rachat fixes qui sont égaux au total des coûts de transaction explicites (commissions, courtage, etc.) et implicites (spreads moyens observés sur le marché entre les cours acheteur et vendeur) pour les principaux actifs dans lesquels un fonds investit. Les spreads sont censés être stables sur une longue période et sont publiés.
Mais il peut arriver que les spreads d’émission et de rachat et leur modèle de gouvernance ne soient pas en mesure d’anticiper certaines fluctuations importantes de la liquidité sur le marché. Ainsi, si un fonds investit dans les classes d’actifs ou des segments de marché particulièrement sensibles à la volatilité des coûts de transaction implicites, la gestion du risque de liquidité devient plus difficile. Les conséquences de la crise financière mondiale de 2008 ont, en outre, montré que même des problèmes d’ordre régional pouvaient rapidement engendrer des problèmes systémiques d’ampleur mondiale. Cela étant, les récents événements ont une nouvelle fois démontré que les marchés pouvaient perdre leur dynamisme plus facilement que ce que l’on aurait pu croire.
Le swing pricing pour la gestion des liquidités
La méthode du swing pricing (souvent appelée SSP, pour «Single Swing Pricing») permet (en partie) de répondre aux préoccupations liées à la gestion des risques de liquidité qu’engendre la volatilité des marchés. D’une manière générale, le cadre du swing pricing permet d’ajuster immédiatement la VNI pour refléter les coûts de transaction les plus actuels du marché ou encore les coûts effectifs d’un flux de trésorerie unique. Au lieu du dual pricing, le prix est unique mais peut être augmenté ou diminué en fonction de la direction d’une transaction, en tenant compte des flux nets et, de manière globale, de l’impact sur la liquidité.
Dans le cadre du régime de swing partiel apprécié au sein de l’UE, l’ajustement n’est «déclenché» que lorsque le flux net dépasse le seuil préalablement déterminé. Si les flux sont faibles et que les liquidités sont donc gérables, le SSP ne fausse pas la performance, car cela n’est pas nécessaire.
En règle générale, les coûts de transaction annuels varient entre 10 et 50 points de base, avec, d’un côté, des fonds d’actions représentant des valeurs vedettes ou des fonds d’obligations souveraines et, à l’autre bout du spectre, des fonds de crédit à haut rendement, d’actions présentant de petites capitalisations et des fonds alternatifs. Mais, à lui seul, un important mouvement de liquidation engendré par un rachat massif d’un fonds sur un marché peu actif peut multiplier même par deux un spread tant le nombre d’offres de qualité est faible. En cas de perturbations soudaines et systémiques affectant des marchés entiers, les spreads peuvent même quadrupler, voire dépasser les niveaux maximum des mesures anti-dilution, tels qu’autorisés par le prospectus de vente.
L’épidémie de COVID-19 et les mesures de confinement prises au cours du premier trimestre 2020 ou l’invasion de l’Ukraine par la Russie en février 2022 en fournissent des exemples récents et de premier ordre. Au terme d’une intense interaction avec les régulateurs en 2020, ces derniers ont prévu une plus grande flexibilité / des swings maximum plus élevés lorsque les marchés sont en difficulté.
L’impact du COVID-19 et de la guerre en Ukraine sur les marchés des actions
Lors de la première phase de la pandémie, les marchés des actions ont, certes, été impactés au niveau de la valorisation des actions, mais ils sont restés assez liquides. Les titres à revenu fixe, notamment les titres financiers, les titres à haut rendement et/ou les titres industriels, c’est-à-dire les titres censés être fortement touchés par les perturbations des chaînes d’approvisionnement, se sont toutefois révélés immédiatement inefficaces. Ensuite, la trajectoire de la reprise s’est également montrée inégale et sujette aux décisions des différentes banques centrales, à la propagation du virus et aux mesures prises par les décideurs politiques.
La guerre en Ukraine a, par ailleurs, constitué une entrave pour la liquidité sur l’ensemble des marchés émergents européens, tant pour les actions que pour les titres à revenu fixe. Ensuite, la reprise a suivi un schéma complexe et imprévisible, fondé sur l’ampleur et l’objectif des sanctions prises à l’encontre de la Russie ainsi que sur les perturbations des chaînes d’approvisionnement et de la production industrielle dues à la guerre. Certains segments ont retrouvé leur dynamisme en temps voulu (actions d’Europe de l’Est, hors Russie, p. ex.), tandis que d’autres se sont retrouvés complètement illiquides, ce qui a même débouché sur des dépréciations (obligations et actions russes en monnaie locale).
Réduire les risques en misant sur le swing pricing
Compte tenu de la difficulté de ces conditions, les mesures anti-dilution traditionnelles conduiraient, dans de nombreux cas, à la décision de suspendre un fonds, de reporter le calcul de sa VNI, de restreindre les flux de capitaux, voire de le mettre en liquidation. Mais le swing pricing a, dans ces situations, permis d’atténuer ces risques et de garder le contrôle de la situation, sans pour autant porter atteinte aux intérêts des actionnaires à long terme. Son cadre qui repose sur les principes suivants l’a rendu possible:
- surveillance constante de la liquidité des marchés cibles ainsi que des fonds de placement entrant dans le champ d’application
- modèle solide d’estimation du facteur SSP disposant de tous les paramètres d’entrée nécessaires
- fort jugement d’expert incorporé à la plate-forme basée sur des modèles
- cadre rigoureux doté d’une gouvernance et d’une surveillance solides
- capacité à contrôler les résultats par «back-test», à développer continuellement le modèle et à adopter les processus
Lorsqu’il est correctement mis en œuvre, le swing pricing permet de renforcer la gestion des risques de liquidité dans toutes les conditions de marché possibles et peut également être considéré comme un outil supplémentaire de gestion des liquidités. Pour y parvenir, des processus adaptatifs peuvent être mis en place, tels que des procédures ad hoc ou d’urgence du Comité SSP, l’application de spreads efficaces pour des transactions particulières, en faisant appel tant à des experts et à leur jugement, qu’à de puissants outils travaillant de manière conjointe, tels que des calculs automatisés.
La gouvernance permet une action rapide dans la gestion des liquidités
La gouvernance revêt une importance similaire. Dans le cadre du Comité, un agent en charge du pricing est censé fournir des suggestions de hausse et de baisse en se fondant sur le modèle adopté. Ensuite, divers experts, tels que des gestionnaires de portefeuille et des représentants de la gestion des risques ont pour tâche d’évaluer la proposition. Enfin, selon la configuration retenue, la société de gestion ou le conseil d’administration d’une société de fonds approuve ou rejette les nouveaux facteurs SSP.
Ce modèle de gouvernance permet non seulement d’agir avec promptitude, mais également d’équilibrer les points de vue et de s’assurer que les mesures sont prises dans l’intérêt des investisseurs. La fréquence de ces révisions peut être trimestrielle ou même quotidienne, en fonction de la volatilité des marchés. Il s’agit là d’un des principaux atouts du swing pricing.
Investir dans l’innovation autour du swing pricing
Même si le swing pricing s’est avéré être un outil efficace, il importe néanmoins de rappeler qu’il a également un coût et qu’il peut ne pas constituer le meilleur choix pour tous. Cela peut notamment concerner les produits ou les stratégies n’étant pas axés sur les placements à long terme. Ou encore, si un fonds détient des actifs très liquides (c.-à-d. des fonds du marché monétaire, des actions de grande capitalisation sur des marchés en développement ou des ETF). Il en va de même pour les véhicules relativement modestes, tant en termes d’actifs sous gestion que de pool de clients. Dans ces cas de figure, l’application du swing pricing peut simplement ne pas être adaptée à l’atteinte des objectifs poursuivis.
Pour que le SSP soit véritablement à la pointe, des investissements sont nécessaires, tant en ce qui concerne la base de connaissances, l’évolution des meilleures pratiques que des solutions techniques. Il faut, en effet, disposer d’un haut degré d’automatisation et d’un large éventail de données pour produire des estimations précises permettant un examen minutieux. Credit Suisse Asset Servicing suit également de près les évolutions ayant trait au SSP et investit activement dans des services innovants. La conviction est grande, en effet, que les spreads flexibles sont porteurs d’avenir dans le pricing des types de fonds pour lesquels la gestion des risques de liquidité peut devenir difficile.